La perte de poids est un domaine très lucratif : chaque année, de grosses sommes sont dépensées en marketing par l’industrie de la perte de poids. Ces diètes et programmes fonctionnent : les gens perdent du poids. Évidemment, ces méthodes, parfois extrêmes, sont souvent très difficiles à maintenir à long terme. Par ailleurs, chaque année, plusieurs études scientifiques sont consacrées à la perte de poids afin de tester divers protocoles nutritionnels. Toutefois, il a un sujet qui demeure peu abordé, autant par la recherche que par l’industrie des diètes : le MAINTIEN DU POIDS.

On pourrait le qualifier du côté sombre de la perte de poids, un sujet tabou, dont on ne parle presque jamais. Ce manque d’attention et d’informations contribue d’ailleurs, à mon avis, à entretenir un flou à propos de ce processus.
On entend souvent qu’il est impossible de maintenir une perte de poids. Est-ce vraiment le cas? En effet, une grande majorité des individus ne réussissent pas à maintenir leur poids une fois le programme ou la diète terminés. Des études ont rapporté que la perte de poids à court terme en utilisant une variété d’approches est souvent réussie, mais plus de 80% de ces personnes qui réussissent reprennent le poids perdu après 1 an, 85% après 2 ans et plus de 95% après 3 ans (1). D’ailleurs, la majorité des personnes qui reprennent du poids prennent plus de poids qu’elles en ont perdu pendant leur processus de perte de poids (2).
Mais il existe un petit pourcentage d’individus qui réussissent à maintenir leur poids perdu. J’en fais d’ailleurs partie.
Les personnes qui ont réussi à maintenir leur perte de poids pendant plus de 2 ans sont plus susceptibles de maintenir leur perte de poids au cours des 5 à 10 années suivantes (3). Une perte de poids réussie est souvent définie comme 10% de la perte de poids maintenue pendant au moins 1 an (4), mais les définitions varient et certains penchent pour 5% de la perte de poids maintenue sur au moins un an (5). Bref, une perte de poids d’au moins 10% maintenue sur au moins un an peut donc être considérée comme réussie et une perte de poids d’au moins 5% maintenue sur au moins un an peut être considérée comme moyennement réussie.
Comment font-ils? Quels sont leurs secrets?
C’est sur quoi s’est penchée une récente étude, plus précisément une revue systématique, publiée en janvier 2021. Cette revue systématique d’études qualitatives a examiné les habitudes, les défis et les stratégies liés au maintien du poids à long terme chez des individus suite à une perte de poids importante. Le but était de décortiquer et de présenter l’expérience de la perte de poids durable. Au total, les chercheurs ont inclus 15 études regroupant 294 personnes qui étaient ou avaient été en surpoids ou obèses, avaient perdu du poids et avaient essayé de maintenir le poids perdu pendant au moins un an.
Étude en question : Perspectives into the experience of successful, substantial long-term weight-loss maintenance: a systematic review, par Marie Spreckley , Jaap Seidell & Jutka Halberstadt.
Lien vers l’étude : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33455563/
Le maintien du poids est un processus complexe. Il ne s’agit pas que d’un prolongement indéfini du processus de perte de poids (ou de quelconque diète) en espérant ne pas reprendre de poids. Il s’avère que le maintien du poids comprend un ensemble de comportements reliés à l’autogestion continue. L’individu doit apprendre à gérer continuellement son alimentation (remonter l’apport calorique afin de viser le maintien), ses comportements alimentaires (gérer l’alimentation émotive!), la pratique régulière d’activité physique, l’influence de son environnement et des événements. Une équipe de chercheurs a d’ailleurs ont constaté que le succès du maintien du poids était souvent lié à une solide connaissance de soi, à une auto-surveillance active et continue (6). Autrement dit, le maintien du poids est carrément un contrat à vie (ou aussi longtemps que vous voulez maintenir votre poids).
L’étude cite plus haut a permis d’identifier et de définir dix facteurs qui influencent le maintien d’une perte de poids à long terme.

10 facteurs qui influencent le maintien d’une perte de poids à long terme
Afin de faciliter la lecture du texte, nous pourrions d’ailleurs qualifier ces individus de « mainteneurs ».
1 – L’autosurveillance (Self-monitoring). Le facteur le plus rapporté dans toutes les études. Les individus qui avaient réussi à maintenir leur poids faisaient le suivi de leurs apports alimentaires d’une quelconque façon. Ils utilisaient divers outils, tels que des applications mobiles de suivi des calories (ex. : MyFitnessPal), des journaux alimentaires et des balances alimentaires de cuisine (food scales). Ils avaient également tendance à se peser régulièrement.
Ces mainteneurs avaient créé des habitudes/routines alimentaires claires et limitaient généralement leurs choix alimentaires à certains aliments. Ils planifiaient également leurs apports alimentaires en vue d’événements sociaux, certains vérifiaient souvent le menu à l’avance pour décider de ce qu’ils mangeraient s’ils allaient au restaurant par exemple.
2- Suivi externe (External monitoring). Le fait d’être suivi par des professionnels de la santé, d’être soutenu par leurs proches et/ou par des groupes de soutien (en personne ou en ligne) a facilité le maintien du poids chez ces individus. Cela leur permettait d’entretenir la motivation, le sentiment de soutien et de responsabilité.
3- Motivation intrinsèque (intrinsic motivators) : Les mainteneurs étaient motivés à améliorer leur santé, leur forme physique et leur qualité de vie, ou à prévenir les risques liés au surpoids ou l’obésité. Ils ont rapporté une amélioration de la perception de leur image corporelle après une perte de poids et ont rapporté même d’un changement d’identité vers un nouveau mode de vie.
4- Motivation extrinsèque (extrinsic motivators). Ce facteur variait selon les individus. Certains mainteneurs étaient motivés à améliorer leur image sociale ou à devenir un modèle d’inspiration pour leur entourage. De plus, le fait de faire partie de groupes ou de système de soutien leur a permis de créer un sentiment d’appartenance.
5- Objectifs personnels définis par l’individu (self-defined goals). La création d’objectifs revenait dans la majorité des études, mais ceux définis par l’individu semblaient plus significatifs. Les mainteneurs avaient des objectifs clairs, qu’ils réévaluaient de façon continue. Leurs objectifs nutritionnels visaient les macronutriments ou des catégories d’aliments. Ils planifiaient leurs entraînements ou participaient à des événements sportifs réguliers.
6- Objectifs définis à l’externe (externally defined goals). Il pouvait s’agir par exemple d’événements sportifs, d’objectifs établis par des professionnels de la santé ou des clubs de perte de poids. Ceux-ci agissaient comme un outil de motivation additionnel, mais n’étaient pas essentiels.
7-Surmonter les défis internes (enduring internal challenge). Les contraintes de temps, le manque de structure, le stress au quotidien, la présence d’alimentation émotive (très présente dans la plupart des études), les aliments déclencheurs et les événements de la vie (grossesse, maladie, blessure, décès, divorce, perte d’emploi…) étaient des défis auxquels les mainteneurs ont dû apprendre à gérer et à surmonter.
8- Surmonter les défis externes (enduring external challenges). Ceux-ci comprenaient les environnements alimentaires dits obésogènes, la présence de pairs témoignant peu de soutien, de changements de relation, le stress relié au travail et à la vie personnelle et les événements sociaux (fêtes, vacances, mariages, anniversaires…).
9- Expériences encourageantes (encouraging experiences). Les mainteneurs ont rapporté qu’ils se sentaient libérés; ayant moins de soucis reliés au poids corporel, certains se sentaient comme de nouvelles personnes. La perte de poids leur a permis de développer de nouvelles identités, devenir des individus menant un mode de vie sain, de prendre des risques et de partir à la recherche d’opportunités de vie qui leur semblaient inatteignables auparavant.
10- Expériences décourageantes (discouraging experiences). Plusieurs individus ont manifesté une peur intense de reprendre du poids, rendant le processus de maintien du poids un combat constant. Le cheminement était souvent solitaire, car plusieurs individus se sentaient parfois critiqués pour leurs choix de mode de vie. Suite à leur perte de poids, les mainteneurs ont dû mettre éviter de revenir à certaines habitudes antérieures. Quelques individus ont rapporté se sentir démunis.
Remarque: Le maintien d’une perte de poids a été défini différemment selon les études. Sept études l’ont défini comme une perte de poids ≥ 10% du poids initial maintenue sur un an. D’autres l’ont décrit comme une perte de poids ≥ 10% du poids initial maintenue sur cinq ans, une perte de poids ≥ 10% du poids initial maintenue sur sept ans, une perte de poids ≥ 5% du poids initial maintenue sur un an, une perte de poids ≥ 13,6 kg maintenue pendant un an, une perte de poids ≥ 6,35 kg maintenue sur un an, ou une perte de poids ≥ 7% maintenue sur un an.
Cette étude était préenregistrée, ce qui signifie que les auteurs devaient indiquer les résultats qu’ils prévoyaient étudier avant de mener leur recherche. Le fait de préenregistrer une étude renforce considérablement les résultats d’une étude, car elle réduit la possibilité que les auteurs ne rapportent que des résultats qui semblaient intéressants ou significatifs. L’incapacité de généraliser les résultats de cette étude aux enfants ou aux personnes ayant subi une chirurgie bariatrique est une limitation de l’étude.
Bref, comme mentionné plus haut, le maintien du poids est un processus multifactoriel. Je me permets de terminer l’article en vous donnant un conseil : ne vous engagez pas dans un processus de perte de poids en n’ayant pas de plan pour la suite.
Lien pertinent : Facteurs qui mènent au regain de poids
https://examine.com/nerd/article/predicting-the-route-of-the-regain-train/
Références
- Langeveld, M., & de Vries, J. (2013). The mediocre results of dieting. Obesity Reviews, 1(2), 113–119. [En ligne]. https:// http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23859104
- Dulloo, A., Jacquet, J., & Montani, J. (2012). How dieting makes some fatter: From a perspective of human body composition autoregulation. Cambridge University Press, 71(3), 379–389. [En ligne]. https://www.Ncbi.nlm.nih.gov/ pubmed/22475574
- Natvik, E., Råheim, M., Andersen, J., & Moltu, C. (2018). Living a successful weight loss after severe obesity. International Journal of Qualitative Studies on Health and Well-being, 13 (1), 1487762. [En ligne]. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/ pmc/articles/PMC6022235/
- Wing, R., & Phelan, S. (2005). Long-term weight loss maintenance. American Journal of Clinical Nutrition, 82 (1), 222S–225S. [En ligne]. https://academic.oup.com/ajcn/ article/82/1/222S/4863393
- Montesi, L., El Ghoch, M., Brodosi, L., Calugi, S., Marchesini, G., & Dalle Grave, R. (2016). Long-term weight loss maintenance for obesity: A multidisciplinary approach. Diabetes, Metabolic Syndrome and Obesity: Targets and Therapy, 9, 37–46. https://doi.org/10.2147/ DMSO.S89836
- Hartmann-Boyce, J., Boylan, A., Jebb, S., & Aveyard, P. (2019). Experiences of self-monitoring in self-directed weight loss and weight loss maintenance: Systematic review of qua- litative studies. Qualitative Health Research, 29(1), 124–134. [En ligne]. https://doi.org/10.1177/ 1049732318784815